Nous avons longtemps été en location au rez-de-chaussée, dans une maison à l’extérieur d’un village. On n’avait pas tellement de contact avec le voisinage, mais depuis une quinzaine d’années, voilà ce qui s’est passé. Mon épouse s’était toujours dit : « Mais Michel, comment on va faire pour la retraite ? Tu as un salaire de pasteur. On a convenu ensemble que moi, je ne travaillais pas pour le bien des enfants, pour être disponible… ». Je lui ai répondu : « Ne t’inquiète pas. On s’occupe de notre famille, de notre foyer, des enfants et petits enfants, et puis après on verra bien. On place tout cela entre les mains de Dieu ». Et l’un de nos garçons, qui a un très bon salaire, nous dit : « Papa, maman, vous avez tellement travaillé pour moi et pour nous ! Maintenant c’est à moi de faire quelque chose pour vous, je vais vous acheter une maison. Je vous offre une maison ! Vous serez mes locataires ». Alors évidemment on a tenu quand même à payer notre loyer, à entretenir la maison. Et nous voilà dans une maison, au milieu d’une impasse, entourée d’une dizaine d’autres maisons. Et il y a une dizaine de voisins qui ont accès à notre maison, et qui voient notre maison.
Transparence.
Quand on est arrivés, la maison était entourée d’arbres et de haies. On n’était presque pas visibles. Alors, j’ai pris la tronçonneuse et j’ai tout rasé, pour qu’on puisse être visibles. Et le message implicite, c’était : « Nous voulons être transparents, nous voulons être vos amis, nous voulons vraiment être de bons voisins. »
Parce qu’on a réalisé que dans le village où nous sommes, il y a une très mauvaise image de la religion, et notamment de l’Église catholique. Il y a eu vraiment des choses terribles qui se sont passées. Certains ont été maltraités, d’autres ont été abusés, il ne faut surtout pas leur parler de la religion. Alors le fait qu’un pasteur vienne habiter juste à côté de chez eux… Mais moi, j’intègre cela et je dis : « Ok, on ne va pas parler de foi, on ne va pas parler de religion, on va simplement être des amis, on va être des voisins, on va faire ce qu’il faut. »
Connaissons-nous vraiment nos voisins ? Savons-nous qui ils sont ?
Je partirais de cette question. Qui sont les gens qui habitent dans notre rue, notre quartier, notre immeuble, etc. ? Parfois, les contextes dans lesquels nous vivons ne sont pas simples. Parfois il y a des histoires de voisinage depuis des décennies. Je suis en train de prier avec une mamie, une voisine, et elle a à cœur de prier aussi. Et la prière qu’elle connaît bien, c’est le Notre Père. Et on arrive à ce stade où on dit : « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons. » Je dis : « tu vois, Nicole, là, cette prière, il faut aussi la mettre en pratique. » Et quelque part, mon rôle de chrétien consiste aussi à être un ouvrier de paix, un artisan de paix, à permettre aux uns, aux autres de collaborer, de participer à la vie du quartier.
Quel genre de voisin je suis ?
Proverbes 27.10 dira : « Mieux vaut un voisin proche qu’un frère éloigné. » Vous savez tous que Jésus a raconté l’histoire du bon Samaritain (Luc 10.29-36), n’est-ce pas ? Et la version anglaise traduit le mot prochain par voisin. Cette parabole nous invite justement à nous demander : « Quel genre de voisin je suis ? ». Moi, je me suis posé cette question. Et j’ai réalisé que beaucoup de gens avaient des soucis, des problèmes relationnels avec leur voisinage. « Est-ce que nous faisons notre possible pour mieux vivre ensemble » ?
« Est-ce que je mets tout en œuvre pour être un bon voisin ? » Moi j’ai décidé que je serai un bon voisin pour mes voisins. Et si vous leur posez des questions sur le voisinage, ils vont vous parler de moi. Et je suis honoré d’être ainsi perçu, parce que quand vous choisissez une maison quelque part, vous ne connaissez pas du tout le contexte dans lequel vous allez arriver. Vous le découvrez au fur et à mesure. Puis vous vous apercevez qu’il y a un voisin qui est en bisbille avec tous les autres. Mais moi je vais chez lui. Je suis invité à sa table. Et il dit à tous ceux qui veulent l’entendre : « Michel est mon ami. En tout cas, si je n’en ai qu’un, c’est Michel. » Et je suis honoré !
Nos voisins nous observent ! En sommes-nous conscients ?
Donc on a aéré la maison, on a retiré tout ce qui cachait la vue. Et le message qu’on a voulu faire passer, c’est : « Nous n’avons rien à cacher, nous voulons être transparents. » Et évidemment les voisins, ils vous observent… un petit peu comme un poisson rouge dans un bocal, et à chaque fois qu’ils passent devant le bocal, il est grossi. On passe à la loupe : « Comment tu parles avec ta femme, comment vous vivez en famille, qu’est-ce qui se passe, est-ce tu es gentil ? ». Et notre ligne directrice, ça a été le sermon sur la montagne : « Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le de même pour eux. »
J’ai découvert que la meilleure façon d’avoir des bons voisins, c’est d’être déjà, soi-même, un bon voisin. C’est donner l’exemple. Parce que les gens, même s’ils ne vont pas l’Église, même s’ils renient la foi et tout, ils savent quand même comment un chrétien devrait vivre. Ça ils le savent, c’est intéressant ! Et donc j’ai remarqué que si je traite les autres avec respect, je les incite à agir de même envers moi.
Nous intéressons-nous à nos voisins ?
C’est Floyd McClung, un ami, un évangéliste décédé maintenant, qui disait : « Les gens ne s’intéressent pas à vous, à moins qu’ils sachent que vous, vous vous intéressez à eux ». Et le voisinage, c’est en fait un bon terreau test. Parce que c’est en quelque sorte un échantillon de notre société. Je me suis posé la question : « Mais qui sont mes voisins ? Quelle est leur histoire ? Quel est leur passé ? Et de quelle manière est-ce que je vais pouvoir connecter ? » Connecter, c’est ça avant tout. Avant d’emmener les gens quelque part, il faut déjà les rejoindre ! Et ça veut dire qu’il faut de la patience, qu’il faut du temps pour les découvrir. Et j’ai découvert qu’ils étaient dégoûtés de la religion et qu’ils avaient été malmenés.
Les voisins ont besoin de parler, mais sommes-nous disponibles ?
Prenons du temps pour échanger, partager ! Les voisins ont besoin de parler, mais pour qu’ils puissent parler, il faut qu’ils puissent trouver une oreille attentive. Et moi j’ai observé que les gens, aujourd’hui, courent après une oreille attentive. J’ai une voisine qui me dit régulièrement : « Merci Michel de m’avoir écoutée. » On invite les voisins pour un café, pour un repas… et souvent ils nous disent : « Merci parce que vous m’avez écouté. » Quelquefois le repas se passe comme ça, on ne dit rien, on est juste là à écouter. Ils se déchargent, ils se livrent, et la confiance s’installe. Et quand il y a la confiance, il y a vraiment la connexion.
Et quand je les écoute, je découvre des choses auxquelles ils sont sensibles. Vous savez que la vie est faite de petites choses, de détails. La vie est un ensemble de petites choses, et quand on commence à faire attention aux petites choses, on découvre des aspects qui peuvent nous aider pour le témoignage. Il y a des petites choses élémentaires qui peuvent encourager le bon voisinage et favoriser un bon témoignage.
Est-ce que je rends service à mes voisins ?
Alors les bons voisins, ils se rendent des services, et moi j’aime rendre service. Il y a un voisin avec lequel je vais en forêt, un voisin qui sait à peu près tout faire, et je l’accompagne. On prend les tronçonneuses, on coupe les arbres, on fait des stères de bois… Et puis après, on marque une pause. Et dans cette pause, il se passe quelque chose, il y a une interaction, il y a un dialogue : « Comment ça va ? Et la famille, et ton épouse, et toi, comment tu te sens ? ». C’est un moment pour connecter.
Et surtout, rendre service, c’est l’occasion de créer de la proximité dans un monde qui est de plus en plus distant. On fait tout pour mettre de la distance entre les gens et je crois que le chrétien que nous sommes est amené à créer de la proximité. Alors avec les voisins, moi j’ai les clés des maisons, j’ai le code d’accès… Figurez-vous que nous avons même certains codes de la carte bancaire, ça va jusque-là ! La confiance règne. Et quand les uns ou les autres partent quelques jours, bien ils nous confient les clés, et puis on a accès, parce que l’une ou l’autre fois, il y a eu une panne d’électricité, et malheureusement les congélateurs sont tombés en panne et on s’est dit : « Plus jamais ça. »
Donc, la confiance règne avec les années. Il faut de la patience bien sûr et il faut du temps pour créer ce genre de relation. Mais pour moi c’est essentiel dans mon témoignage chrétien. Je ne me vois pas autrement que de connecter avec les voisins, de rendre service, d’être là pour eux. Car pour certains d’entre eux, c’est le seul chrétien qu’ils auront l’occasion de voir. Donc, je ne peux pas me rater, c’est pas possible ! Et comment aller prêcher au loin, alors que sur place je vis des choses qui ne sont pas tolérables ? Donc pour moi c’est vraiment devenu quelque chose d’important, parce qu’après ils voient le pasteur Michel sur YouTube ! Donc je me dois, j’ai obligation d’être propre dans mon témoignage, là où je vis.
Les voisins tout comme la famille font partie des gens qu’on ne choisit pas. Ils ont leurs histoires, leur parcours, et il s’agit de découvrir qui ils sont et quels sont leurs besoins. Alors il faut avoir du tact, de la courtoisie, de la politesse, de la tolérance. On s’intéresse beaucoup aux veuves et aux orphelins avec Evelyne, mon épouse, et elle fait chauffeur. Donc un coup, il faut aller chez le dentiste, un coup, il faut conduire pour aller chez le médecin… Elle fait le chauffeur pour rendre service.
Les bons voisins savent donner. Sommes-nous prêts à recevoir ?
Je connais des gens qui sont gênés d’aborder leurs voisins. Un jour un voisin, Marius, m’a dit : « Michel, toi tu nous rends toujours service, mais tu ne nous donnes jamais l’occasion de te rendre service. » Alors là, j’ai pris une claque. Je dis ok, ok, je vais te donner l’occasion… Et donc, on travaille ensemble et puis après on prend un apéro… et je pense que ce n’est pas nécessaire d’attendre la fête des voisins pour manifester qu’il y a un chrétien qui est là, dans le quartier.
Moi, je veux qu’il vienne au ciel avec moi ! Un jour Marius m’a dit : « Michel, moi je vois que Dieu est avec toi. » Et je lui réponds : « Marius, il n’est pas plus avec moi qu’avec toi, il aimerait être plus avec toi. » Évidemment ça touche, parce qu’on est dans une région où le pasteur, le curé est mis sur un piédestal, c’est quelqu’un d’important. Donc, je lui dis : « Mais non, je ne suis pas plus important que toi, tu as autant d’importance aux yeux de Dieu que moi. Et s’il m’a placé là, ce n’est pas par hasard. Et dans le fond, tu le sens, tu le sais, tu le perçois ». Donc c’est un travail qui s’opère dans le temps. Les voisins savent donner.
Le chrétien que nous sommes doit se montrer. Sommes-nous visibles et investis ?
Souvent, les voisins préféraient éviter le contact, ils préféraient s’isoler : « Pour vivre heureux vivons cachés ». Mais je pense que le chrétien que nous sommes doit se montrer. Et l’une des plus grandes preuves d’amour envers l’autre, c’est d’accorder du temps. C’est vrai pour la famille, les enfants, mais aussi les voisins. Un soir, je rentrais d’une réunion d’Église, j’étais vraiment fatigué. J’étais en train de garer la voiture et puis une voisine arrive en disant : « Michel, ah justement, on est avec nos meilleurs amis, des amis de longue date, et j’aimerais que tu viennes, j’aimerais que tu t’assoies avec nous à table ». Je réponds : « Solange, je suis un peu fatigué », et elle me dit : « Ah, mais tu sais, on est au dessert ! ». Alors là, elle a lâché le mot magique. J’ai dit : « Bon, si vous êtes au dessert, ok. » Puis j’arrive dans le salon. Les amis étaient là. Et il y avait tout un travail qui était préparé, un travail de témoin, parce que les voisins, ils parlent entre eux et ils parlent à leurs amis.
C’était déjà 22 heures. Et puis j’arrive à table. Les amis sont là. Vous savez, il y a des moments qui sont préparés, des rendez-vous de Dieu. Et le voisin prend la parole et dit : « Écoute Michel, j’ai raconté à mes amis tout ce qu’on vivait ensemble. Est-ce que tu ne veux pas leur dire comment tu en es arrivé à devenir pasteur ? » Un boulevard, un boulevard ! Et je vois des cœurs préparés ! Et quand on est autour de la table, autour de la table il n’y a pas de sketch ! On est là, c’est du vrai, c’est du concret. Et je leur explique comment je suis arrivé à devenir pasteur. Et là évidemment les cœurs et les oreilles sont attentifs, et c’est une formidable occasion de témoignage.
Soyons concrets, et saisissons les occasions !
Et à l’occasion des fêtes, à Pâques ou à Noël, on a l’habitude d’offrir des cadeaux et j’ai offert des Bibles à certains voisins. J’ai offert une Bible à mon voisin pilote d’ULM. Et quelques jours après, on se voit dans le jardin. On se croise pratiquement tous les jours. On se salue, on dit quelques mots. Et il me dit : « Michel, j’ai découvert quelque chose dans la Bible. » Alors je lui ai offert la Bible d’études, vraiment une Bible sérieuse. Parce que c’est quelqu’un qui aime travailler, qui aime lire, qui aime réfléchir, qui aime l’histoire, qui aime l’archéologie. Donc : « J’ai découvert quelque chose. J’ai découvert que je suis un orgueilleux » !
Un autre jour, un autre voisin me disait : « Michel, depuis que mon épouse fréquente ton épouse, son cœur s’est ramolli ». Alors ça, c’est du pratico-pratique, du concret ! Et si l’Évangile ce n’est pas du concret, alors je ne sais pas ce que c’est ! Jésus a été pratique, il a été concret, il a été suivi par des quantités de gens, par des foules, à cause de ça !
Les bons voisins savent remercier. Savons-nous dire merci ?
Les voisins, ils savent aussi remercier. Et dans un monde qui est de plus en plus ingrat, la reconnaissance, c’est un peu comme un baume sur le cœur des gens. Alors on peut dire merci de mille manières, ça peut être verbal, ça peut être une petite carte, ça peut être un cadeau. Quand je vais voir mon voisin René pour lui dire merci avec une petite bouteille, ça a une autre résonance que si je dis simplement : « Merci ».
On peut inviter pour un café, pour un repas, et je crois aussi que le fait d’inviter quelqu’un autour de la table, c’est une marque d’amour, et les voisins sont particulièrement sensibles à ça, et à partir de là, les rapports peuvent complètement changer.
Les bons voisins sont présents dans la détresse. Et nous ?
Quand le malheur frappe un voisin, le bon voisinage est pour lui un atout précieux. Je crois que c’est en temps de détresse que se manifeste le véritable esprit du bon voisinage. On a eu un voisin qui était complètement inondé avec 25 centimètres d’eau dans la cave, et spontanément toute la rue est venue avec des balais, avec de quoi éponger. Et ça, ça soude. Même les voisins qui ne sont pas forcément toujours d’accord et qui sont parfois en tension, eh bien ils sont là ! C’est comme si le malheur, la détresse commune nous unissait. Et on se rend compte que finalement, c’est tellement bête d’être en conflit pour des broutilles, d’ailleurs c’est toujours pour des broutilles !
Je pense encore à un voisin que j’ai accompagné pendant quelque temps, Christian. Un jour, il a été victime d’un AVC, et donc il a été transporté par le SAMU en urgence à l’hôpital. Et ça a laissé des traces. Il a été accompagné parce qu’il est devenu hémiplégique : tout un côté qui était paralysé. Et tous les matins, au début de ses soins, Pauline, une infirmière de notre Église arrivait dans sa chambre, en étant bienveillante, en refaisant son lit, son oreiller, et en lui demandant comment ça va. Tous les matins cette phrase : « Comment ça a été cette nuit ? Comment ça va ? Est-ce que je peux faire quelque chose ? ». Elle a été attentionnée et mon voisin était particulièrement sensible à ça. J’ai donc dit à Christian : « Oui, je la connais, c’est Pauline qui s’occupe de toi ». Et arrive le moment où il rentre à la maison. Il est accompagné par un kiné, pour essayer, autant que faire se peut, de se débrouiller, marcher. J’ai eu un entretien avec la kiné. Et j’ai à cœur que ce voisin ne s’enferme pas chez lui mais qu’il puisse quand même sortir. Je prie régulièrement pour mon voisinage et je prie pour lui. Et puis je lui dis : « Christian, la semaine prochaine, on va sortir ». « Ah non, je ne peux pas ! ». C’est un grand sportif, Christian, qui a l’habitude de prendre son vélo, de faire du sport. Et là, il se dit : « Le fait d’être diminué, quelle image est-ce que les autres vont avoir de moi ? ».
Mais je lui réponds : « Non, Christian, on va aller affronter tout le voisinage ensemble. La semaine prochaine j’arrive, puis on le fait ». Je vais le voir, je l’accompagne, on descend les marches de sa maison et on arrive dans la rue. Et à ce moment-là, il y a tout le voisinage qui arrive, comme un cortège, et c’est très émouvant ! Les voisins ont les larmes dans les yeux parce qu’ils sont désolés de cette situation. Et souvent, on ne sait pas comment réagir quand une personne vit un drame comme ça. Mais je pense que là, en tout cas de mon point de vue, je suis là pour être comme un pont, un relais, faire le lien. Pourtant, je suis le dernier arrivé dans le quartier ! Mais en même temps je suis un chrétien, donc j’ai le cœur de Dieu pour cet homme, et pour ce quartier. Et on est là, il y a comme un cortège, et ils embrassent Christian. On est content de le voir et ça a débloqué quelque chose chez lui qui lui a permis de sortir, dans les jours qui ont suivi, puis au moins 2-3 fois dans la semaine. J’allais le voir, on faisait notre tour de quartier, et tout en le faisant, on discutait. Alors j’ai remarqué qu’il y avait comme un phénomène d’accélération dans les rapports entre les gens, parce que lui connaissait tout le monde. Et du fait qu’il connaissait tout le monde, par ricochet, j’étais mis en contact très rapidement avec tout le monde. Seigneur que tu es bon !
Christian vient d’une famille chrétienne. Son père était évangéliste, et il a été dégoûté par son père qui était un colporteur et qui matin, midi, soir disait : « On lit la Bible à table, on prie ». Il lui a donné une image négative, légaliste de la foi… Mais le Seigneur connaît ces questions et il voulait quand même sauver Christian. Christian a gardé une image vraiment négative de la Bible, mais je lui ai offert une Bible et il la lisait tous les jours. Et chaque fois que je venais le visiter, la Bible était ouverte dans son salon et je voyais bien qu’il avait lu. Et puis on échangeait : « J’ai lu ceci, j’ai lu cela, qu’est-ce que t’en penses… ». Et petit à petit, il a donné sa vie au Seigneur. Aujourd’hui, il est parti, et maintenant on s’occupe de son épouse qui est veuve.
Face aux voisins mal disposés, demandons-nous les bonnes clés à Dieu ?
La Bible nous dit : « S’il est possible, autant que cela dépend de vous, soyez en paix avec tous les hommes » (Romains 12.18). Mais tout ne dépend pas de nous. Il y a des voisins qui malheureusement, ne sont pas toujours bien disposés, mais ne nous décourageons pas. Je crois que c’est possible de gagner le cœur des gens, et Dieu peut nous aider à trouver les bonnes clés. Il me semble que chacun a quelque part un angle mort, une faille, et puis avec une clé, on peut trouver la connexion.
Sommes-nous sensibles à la voix intérieure du Saint-Esprit ?
Je ne sais jamais comment ça va se passer. L’autre jour j’étais derrière la tondeuse, et cette petite voix intérieure qui dit : « Arrête ta tondeuse. Francis a besoin de te parler ». Puis je me dis : « Allez, je termine… ». Et encore : « arrête ta tondeuse. » Vous connaissez sans doute ce dialogue intérieur… J’arrête donc la tondeuse, je vais voir Francis, et là il en avait lourd sur le dos, et il me parle. Là, si j’avais résisté à la voix intérieure de l’Esprit, j’aurais raté quelque chose !
Sommes-nous prêts à payer le prix, par amour pour eux ?
Quelque part, on rejoint le sermon sur la montagne, on fait le mille supplémentaire. Pour moi il n’y a pas d’évangélisation bon marché. Ça n’existe pas ! Ça a un prix et le prix c’est un sacrifice. Souvent on a des espoirs de montagnes, de sommets, et en réalité on a des habitudes de la vallée, c’est-à-dire le minimum syndical. Donc ça ne va pas. Tout ce qui marche demande de l’effort ! Si vous voulez un couple, une famille solide, il faut travailler. Si vous voulez faire des études, il faut travailler. Mais après ça, il y a aussi une question de personnalité.
Floyd McClung, un évangéliste qui parlait de l’évangélisation par l’amitié, prenait la précaution de dire : « Ce n’est pas une stratégie, parce que l’amitié en elle-même, c’est une valeur. Et même si la personne ne se convertit pas, ce n’est pas grave, tu auras été un témoin de Jésus, tu leur as montré par ta vie qu’est-ce que c’est qu’un chrétien. »
Conclusion : le cœur de Dieu pour les gens.
On a pris une bonne année pour vraiment se faire connaître. Mon épouse est asthmatique, donc on a les fenêtres et les volets toujours ouverts. Avant, quand on est arrivés, tout le monde avait les volets baissés, et petit à petit, les volets et les fenêtres se sont ouverts de ci de là. Et comme je le disais tout à l’heure, il y a eu un phénomène d’accélération, parce que Christian était connu depuis des dizaines d’années. Et le fait que je sois avec lui, à ses côtés, ça m’a fait connaître encore plus rapidement les gens.
Avec le temps, je suis donc devenu le pasteur du quartier. Quand les témoins de Jéhovah passent, les voisins disent : « On a déjà ce qu’il faut ! ». Et quand il y a des cérémonies comme pour les obsèques de Christian, bien sûr son épouse m’a demandé de faire l’enterrement ! J’ai fait plusieurs enterrements déjà, de voisins du quartier. Et je suis donc connu comme le pasteur du quartier. Mais je suis bien avec le curé qui me prête les locaux de l’Église catholique. Je mets tout le monde à l’aise. L’autre jour les cloches ne fonctionnaient pas parce que la sacristaine ne trouvait pas les clés, le code d’accès pour faire sonner les cloches. Je l’ai rassurée : « Ne t’inquiète pas, ça va le faire, ça va, on est là ! ». L’important, c’est d’être là, et de témoigner de l’affection, du soutien pour la famille. On prie pour la famille, puis on se met à l’écoute de Dieu.
Les voisins m’ont énormément appris. J’ai appris beaucoup de choses sur le plan pratique, sur le plan matériel, par leur expérience, par leurs conseils, leurs avis. Et je crois que la présence, d’un chrétien dans une rue, dans un immeuble, dans un quartier peut faire une différence. Et donc, je pense qu’on est là pour être vrai, pour être une vitrine en quelque sorte. Moi, j’appelle ça le cœur de Dieu pour les gens, parce que si ce n’est pas nous qui reflétons l’image de Christ pour les autres, et s’il n’y a personne qui prêche, comment en entendrons-t-ils parler ? Et l’on ne prêche pas seulement en paroles, mais avec sa vie, son témoignage et sa famille.
Michel Schneider